Extraits de lecture 20: Jeremy Recab, Quelle dignité pour la vie? (éd. Albin Michel)

Auto-détermination, liberté individuelle, droit de mourir, douleurs, souffrance, dignité humaine, euthanasie…L’auteur développe une réflexion qui repose sur son expérience d’accompagnement de personnes en fin de vie. Il est infirmier. Il remet en question le modèle suisse du suicide assisté. L’escalade des chiffres et des dérives de la gérontologie l’amène à poser des distinctions terminologiques rigoureuses (cf. biblio histoire, théorie et pratique). Ce livre est un plaidoyer pour l’usage des directives anticipées et pour la poursuite des recherches en soins palliatifs.

«Le suicide assisté est devenu une option dans les établissements sanitaires de plusieurs cantons suisses. «En fait c’est toute la question de la fin de vie et de l’acharnement thérapeutique qui est soulevé par les protagonistes du suicide assisté. Une vraie question est posée à l’individu et à la société.» (p.9)

«Un premier pas en faveur du suicide assistée a donc été franchi au pays de la Croix-Rouge, avec la création d’associations qui offrent une aide au suicide à domicile. Le pas suivant, sous la pression de ces associations a été d’offrir cette assistance dans les lieux même où l’on soulage la souffrance et où l’on promeut la vie. La prochaine étape, déjà revendiquée, sera de passer à l’euthanasie active directe, soit le «meurtre par compassion». (p.11)

L’auteur, infirmier, établit une nette distinction terminologique entre l’euthanasie active directe, l’euthanasie active indirecte, l’abstention curative et le suicide médicalement assisté. Il estime que la notion de «suicide assisté» crée une flou éthique préjudiciable.

«Un vif défenseur du suicide assisté m’a personnellement confié sa frustration, en tant que jeune médecin, de n’avoir rien pu faire lors de la terrible agonie de sa grand-mère, alors que celle-ci le regardait, le suppliant de l’aider. Frustré et impuissant, n’ayant pas le droit de pratiquer l’euthanasie, il en avait conclu que le suicide médicalement assisté aurait été le bon moyen de répondre à cette détresse, puisque, en Suisse, il n’est pas condamné. C’était il y a une quarantaine d’années et sa frustration à l’époque était compréhensible. Mais étrangement, ce médecin se bat encore et toujours pour élargir la pratique du suicide assisté et l’étendre à un plus vaste public, alors que de nos jours, nous avons de nombreux moyens pour prévenir et soulager douleurs et souffrances.

Les directives anticipées écrites, à l’aide d’un représentant thérapeutique, les soins palliatifs et l’abstention curative permettent aujourd’hui de mourir naturellement et sans violence.

Comment comprendre encore la propension à faire valoir cette pratique morbide, alors que les soins palliatifs se sont largement développés et vont encore progresser? Comment accepter une telle démarche alors que le paternalisme médical se mue heureusement en partenariat avec le patient? Comment légitimer le suicide assisté ou l’euthanasie pour soulager la souffrance, alors que les moyens disponibles, aujourd’hui, à commencer par les antalgiques, dont les opiacés, sont utilisés avec beaucoup moins de retenue et plus de finesse qu’il y a quarante ans? Faudrait-il offrir la possibilité de se suicider à tous ceux qui sont fatigués de vivre? Comment les campagnes de prévention du suicide peuvent-elles être comprises par les jeunes alors que le suicide assisté est non seulement autorisé, mais qu’il est devenu un droit, et malgré des critères restrictifs, une option envisageable, même en établissement sanitaire?

On peut s’interroger sur les motivations idéologiques des tenants du suicide assisté qui insinuent que la personne faible, souffrante et dépendante, perd toute dignité. Cette conception de la dignité humaine, pourtant contraire à la Convention des droits de l’homme et à la Constitution suisse, gagne du terrain dans l’opinion.» (p.128-129)

«Comme le montre cet article publié sur son portail par la radio suisse internationale, le Benelux et la Suisse font peser sur leurs aînés un poids de plus en plus lourd qui est en passe de devenir un modèle à l’étranger. Les senior craindraient en grande partie de représenter une charge économique pour la société, voire pour leur famille; beaucoup seraient prêts à se sacrifier pour les plus jeunes.

Il est donc urgent de réfléchir à des modèles d’accompagnement plus solidaires et moins onéreux pour nos personnes âgées, par le biais d’un service civile efficace, par exemple, à l’image de ce que propose avec un enthousiasme contagieux Marie Trellu-Kane, présidente de l’Association française «Unis-Cité». En organisant une formation pour les civilistes volontaires, cette association a contribué largement à donner du sens à la vie de milliers de jeunes qui soutiennent et accompagnent de nombreuses personnes âgées. Ces dernières sont aidées à domicile et sortent de l’isolement, les jeunes civilistes se savent utiles et prennent de belles leçons de vie.

Oui, nos aînés ont à dire et à transmettre. L’échange intergénérationnel est un bien précieux. «Jeunes et vieux se réjouiront ensemble», nous disait le prophète.» (p.136-137)

Publié par strasbourg2019neudorf

Si le spirituel est une question de souffle...alors depuis mon baptême, c'est l'Esprit Saint qui m'anime. A l'affût des signes du Royaume, je cherche à relayer la Lumière du Christ.

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